Autoédition et livre numérique — mon avis
J’ai un talent incroyable pour me sentir coupable.
Récemment, j’ai publié un article sur un phénomène de l’autoédition numérique, Amanda Hocking. J’ai aussi réalisé une série de billets sur la manière de mettre en page son livre de fiction, et je ne suis pas assez naïf pour imaginer que la majorité des gens qui le liront sont des auteurs qui désirent opter pour l’autoédition. L’autoédition est rendue facile par l’essor du livre numérique, palpable essentiellement sur le marché américain, mais encore embryonnaire en francophonie. Je me montre assez critique sur la réaction des éditeurs et des libraires face à ce marché, que je considère irréaliste, contre-productive et même suicidaire. Alors, est-ce que j’endosse totalement cette nouvelle avenue?
Le rôle des maisons d’édition
Le discours sur l’autoédition numérique est devenu une mode, qui balaie Internet depuis quelques semaines. Elle le fait par le relais de blogues d’informations qui gardent une certaine neutralité (j’espère en faire partie) mais aussi par des évangélistes, essentiellement ceux qui ont quelque chose à y gagner (souvent des professionnels tout à fait sérieux, je n’en doute pas). Les maisons d’éditions restent prudemment en retrait, alors qu’elles pourraient défendre leurs terres. Elles ne le font pas, et c’est normal. Premièrement, elles n’ont rien à craindre. Les affaires vont bien, elles continuent à être assaillies par plus de manuscrits qu’elles ne peuvent en traiter (sans parler d’en publier) et la terrible vérité est qu’elles disposent encore d’un accès au marché que les auteurs autoédités n’auront jamais.
Il faut donc compter sur des gens comme moi pour venir les défendre, dire que leur rôle existe, que leur utilité est bien réelle, malgré leurs travers. Je ne le fais pas pour elle, mais pour tous les auteurs au potentiel évident qui craignent de soumettre leur travail et risquent de répondre un peu trop bien au chant des nouvelles sirènes de la distribution numérique.
Les maisons d’édition lisent des manuscrits. Ils en refusent la plupart, c’est vrai, et souvent sans donner leur motivations. Il arrivent qu’elles le font, en particulier en dehors des grandes structures commerciales, ces conglomérats constitués d’acquisitions successives qu’il est inutile de nommer. Elles en acceptent, aussi. Ces œuvres ont alors le bénéfice d’accéder à l’édition proprement dite. Qui débute par une relecture, la correction des fautes de français, l’analyse du récit. La correction peut paraître pointilleuse, l’analyse injuste.
C’est un peu ce qui m’a poussé à écrire ce nouveau billet. J’ai beaucoup fréquenté les blogues d’écrivains récemment. Ceux qui penchent vers l’autoédition y vont de leurs commentaires. «Les lecteurs achètent une histoire, pas une grammaire». «Les maisons d’édition refusent les manuscrits sans même les lire». Ces commentaires sont complémentaires, d’une certaine manière. Si vous vous fichez du français, il est normal que les éditeurs refusent de lire votre manuscrit. Non? En ce qui me concerne, je refuse désormais, je l’ai déjà dit, de même lire un livre dont la typographie n’est pas irréprochable. Il n’y a pas que les éditeurs qui refusent des livres: les lecteurs le font aussi.
J’ai eu peu de contacts avec le monde de l’édition, mais assez pour savoir une chose. La révision est essentielle. Même si les remarques sur le français paraissent pointilleuses, même si le correcteur d’épreuves ne comprend rien aux moteurs fins de nos intrigues, ou encore ne font vraiment pas partie de notre public cible, nécessairement plus indulgent. Une fois le manuscrit accepté et les révisions commencées, une analyse complètement à côté de la plaque aura toujours au moins le mérite de forcer son auteur à prendre du recul et à réfléchir.
Et j’inviterais les auteurs qui rêvent déjà à l’autopublication de réfléchir à la valeur d’un service de relecture. Si vous êtes incapable de le faire, contactez un service de relecture de manuscrits et demandez-leur. La vérité est que ça coûte plus cher que ce qu’il est probable que votre livre rapporte.
L’accès au marché, la distribution, voilà une autre valeur inestimable qu’offrent les maisons d’édition. Si vous croyez que le livre numérique a tout changé, c’est que vous lisez trop de site en anglais. En francophonie, la part de marché du livre numérique est de 8 % environ.
L’autre côté de la médaille
C’est là où les maisons d’éditions prêtent le flanc à la critique. Il semble qu’elles trouvent normal d’exiger le même prix pour une édition numérique que pour la version papier. Le consommateur croit, quant à lui, que les économies sur la distribution, l’entreposage, le transport et l’impression qu’apporte le livre numérique devrait se refléter sur le prix de vente. En ce qui me concerne, j’attends encore qu’on me prouve qu’il se trompe. D’autant que les prix s’écroulent sur le marché américain, et que la gloire des quelques cas de succès autoédités repose sur des prix minuscules, généralement sous les trois dollars.
Les maisons d’éditions et les libraires sont les grands coupables de la stagnation du marché du livre numérique. Ils craignent l’écroulement de leur modèle; ils ont raison, mais je ne crois pas qu’ils pourront l’éviter. Ils craignent l’effritement de leurs marges; je crois qu’ils ont tort, que des prix plus réalistes leur offrirait un meilleur chiffre d’affaires et la découverte de leurs auteurs par davantage de lecteurs. Ils craignent le piratage; à mauvais droit à mon avis. Les livres traditionnels se prêtent, se donnent, se vendent sur la marché de l’occasion, depuis l’invention de l’imprimerie, et le livre a survécu. Bien sûr, aucune de ces pratiques n’implique une reproduction simple et potentiellement à l’infini du livre, mais là encore, le piratage par les réseaux P2P n’implique que les auteurs les plus connus, puisque ces systèmes reposent par définition sur une base importante de fichiers partagés. La demande et l’offre s’y nourrissent mutuellement. Enfin, sur le marché japonais, où la demande du livre numérique a dépassé l’offre, les gens numérisent leurs livres eux-même. Le piratage est inéluctable. S’il n’atteint pas les livres québécois, c’est plus probablement parce que trop peu de gens ont envie de les lire, certainement pas parce que le livre numérique est encore marginal.
Quand le marché du livre numérique explosera
Les auteurs ont encore tout à gagner à proposer leurs texte à des maisons d’éditions, même quitte à essuyer refus sur refus. Et s’ils échouent souvent, ils devraient penser à réviser leur manuscrit avec un brin d’esprit critique avant de reprocher au monde de l’édition sa fermeture. De leur côté, les maisons d’éditions tiennent les clefs de l’édition numérique, et devraient mettre leurs craintes, les préjugés et leurs appétits de côté et en ouvrir la porte avant que les foulent ne se décident à les enfoncer (ce qui arrivera cette année ou l’an prochain).
En attendant, il est vrai que certains auteurs ne trouveront pas leur place sur ce marché et auront recourt à l’autoédition, qui est une option de plus en plus crédible. J’espère simplement, pour eux, qu’ils le feront en toute connaissance de cause, avec des attentes réalistes.
Commentaires
Je crois foncièrement en l'avenir de l'auto-édition en France ! Le seul problème c'est que les gens ne sont pas tous encore prêts et synchronisés pour acheter les choses via le web ! Moi je préfère largement l'auto-édition et ne compte pas changer d'avis ! J’incite même tous ceux qui écrivent à se renseigner et à se faire connaître...Je crois que les vrais lecteurs et lectrices humanistes et ouverts savent où se situent les vrais talents ! L'auto-édition est la voie royale du XXème siècle! Elle présente de nombreux avantages ! J'ai publié mes deux livres : un roman autobiographique intitulé Année 2043 : Autopsie D'une Mémoire et une monographie culturelle et historique de l'espace insulaire de Nosy-Bé intitulé Nosy-Bé : Âme malgache, Cœur français chez the bookedition et j'en suis même très ravi et satisfait par leur efficacité et leur honnêteté.
Le XVIème siècle était celui de l’humanisme, le XVIIème siècle celui de la dramaturgie, le XVIIIème siècle celui de la Liberté, le triomphe de la raison et de la philosophie, le XIXème, celui des romans et de la poésie, le XXème celui du progrès exponentiel, le XXIème siècle sera celui de l’autoédition, de la liberté et l’indépendance des écrivains…
Pour moi le livre va toujours rester l’emblème du savoir. Ce sont les supports qui changent. Les lecteurs liront toujours….et le monde est en train de passer du matériel au virtuel. C’est nouveau pour nous, mais comme chaque génération est transitoire.. Ce ne sera que du passé pour les descendants du XXIème siècle… et XXIIème siècle…L’homme a d’abord écrit sur les parois des grottes, sur des obélisques, sur des tablettes de pierre ou d’argile, sur des os, sur des papyrus et pour finir sur du papier. Le livre est né lorsque le support de l’écriture est devenu léger et portatif…. un peu comme les ordinateurs aujourd’hui….Les ancêtres des livres sont des tablettes en argile. Les parchemins, les feuilles, les bambous, partout dans le monde à travers les différents continents, les différents supports changent mais le savoir est toujours là, il circule et se confond avec d’autres savoirs…et à l’heure de l’autoédition libre et du numérique, nous sommes une génération charnière qui vivons une longue révolution culturelle grâce à Internet !
J’ai un peu de mal à saisir votre point de vue quant à mon texte. Êtes-vous d'accord avec moi ou non? Peut-être sur certains points? Par exemple, ne croyez-vous pas que certains auteurs peuvent bénéficier d'une relecture professionnelle? D’un service de marketing? Allez, sans mauvaise foi.
J’ai cru un moment que vous me preniez pour un ennemi de l'autoédition. En fait, il me semble (je me trompe peut-être) que vous aimez bien inventer des ennemis. L’autoédition est un moyen légitime d’accéder à la publication, et elle a connu quelques succès commerciaux. Ils sont très rares, mais il y en a (j'aimerais bien connaître un exemple de succès au Québec, puisque vous le citez). Il se trouve que, suite à la publicité entourant l'un de ces succès, la voie royale semblait ouverte à l'autoédition. Certains acteurs, essentiellement ceux qui ont des services à vendre, ont servi de porte voix à cette tendance. Mais il n’y avait aucune voix pour tempérer l’ardeur des débutants, et leur rappeler qu'ils ont un choix entre l’autoédition et l’édition classique, et que cette dernière a ses points forts. C’est tout. Il est possible que j’aie recours un jour à l’autoédition moi-même. Mais ce ne sera pas par haine aveugle envers les maisons d’éditions.
J’en ai un peu contre votre hostilité (qui semble vous obscurcir la vue) envers les maisons d’édition. À vous lire, ce ne sont que des rapaces qui ne publient rien. Pourtant, pour chaque conglomérat de cette sorte, vous trouverez facilement cent maisons plus modestes, souvent fragiles, trop souvent déficitaires, menées à la force du poignet par des passionnés qui mettent en lumière chque année des centaines de nouveaux auteurs (je ne parle que de la francophonie). Je conviendrai avec vous que beaucoup de textes restent sur le seuil, et qu’il ne peuvent tous être sans valeur. Pour ceux-là, il reste l’autoédition, qui est heureusement de plus en plus prometteuse. Tout n’est pas noir ou blanc. Il faut relativiser, comme vous dites, cher Anonyme.
D’ailleurs, même la relativité est relative. Les artistes méconnus sont rarement reconnus après leur mort. Tous les gens que vous citez en exemple (à l'exception notable de deux peintres, Van Gogh et Modigliani) ont connu, de leur vivant, une gloire énorme, qui ferait pâlir d’envie n’importe quel écrivain contemporain. Victor Hugo en particulier, quoi qu’en ait pu dire Sainte Beuve, était reconnu comme le plus grand écrivain de son temps. On a innoguré le Panthéon juste pour lui, et un million de personnes seraient passées devant son cercueil, exposé sous l'arc de triomphe. On a vu plus marginal. Les artistes qui ne connaissent qu'une gloire posthume ont tous en commun des admirateurs zélés qui ont poursuivi leur promotion après leur mort. Le seul cas dont je me souvienne en littérature est Lovecraft, mais il disposait de son vivant d’un tel succès d’estime qu’il ne fait aucun doute qu’il aurait connu la gloire et la célébrité qu’il méritait s’il était parvenu à avoir confiance en lui.
Les maisons d’éditions ont leur raison d’être, et les services qu’elles rendent sont réels. Nous nous entendons certainement sur ce point, puisque vous n’avez pas écrit une ligne sur ces services. D’ailleurs, le seul grand succès de l’autoédition numérique à avoir défrayé la manchette, Amanda Hokins, a décidé de se diriger de ce côté désormais.
À tout le moins, les maisons d’éditions assument à elles seules tout le risque qui vient avec un nouvel auteur. Et les droits d’auteurs ne tournent pas autour de deux ou trois pourcent comme vous semblez le croire. Que vous ayez trouvé votre bonheur du côté de l’autoédition, c’est très bien. Je crois pour ma part que l’édition traditionnelle est toujours la mieux équipée pour faire émerger les petits écrivains de l’ombre.
Je comprend mieux maintenant le manque de cohérence de votre réponse par rapport à mon avis, puisqu’il s’agit d’un copier-coller intégral que vous dispersez sur tous les blogues que vous trouvez sur ce sujet, sans doute pour faire une publicité indue à votre «autobiographie».
Si toutefois vous comptez continuer à propager votre spam, je vous suggère de corriger les fautes qui parsèment votre loghorrée.
En attendant, je laisse votre commentaire comme exemple d’un comportement à ne pas imiter, sous peine de détruire sa crédibilité.