Des manières de détruire un vampire
On l’a vu, il existe peu de points communs à tous les vampires de fiction. Le soleil les dérange de manière très variable, le sang est plus ou moins nécessaire, les vampires peuvent être morts-vivants ou simple infectés, voire fruits d’une mutation ou extraterrestres. Ils peuvent dormir dans un cercueil ou dans un quatre étoiles, être beaux ou monstrueux. Sur tous ces points l’auteur a une liberté totale.
De mémoire, les vampires de fiction n’ont que deux points communs vraiment universels. J’ai déjà parlé de leur force et de leur vitesse surhumaines. Reste un autre point: ils sont passablement difficiles à détruire.
Mort ou destruction
Bien qu’on emploie couramment l’expression «tuer un vampire», il me semble plus précis de parler de «détruire». Premièrement parce que le vampire n’est pas nécessairement vivant (et originellement, il ne l’est pas). Ensuite par que les vampires ont tendance à disparaître quand ils cessent d’exister. Ils vivent vieux, meurent lentement et ne laissent pas de cadavre du tout.
Buffy, par exemple, a transformé tellement de vampires en cendres qu’il est difficile de comprendre comment Sunnydale n’est pas devenu un désert. Le plus petit contact avec un objet en bois vaguement pointu transforme le vampire en fine poussière. Le cas de Buffy n’est en rien exceptionnel — la pulvérisation est courante, presque universelle. Dans True Blood, on a plutôt opté pour faire exploser les vampires dans une sorte de mélange de sang et de tissus biologiques franchement dégoûtants, pour la plus grande joie des grands et des petits (personnellement, j’adore, ça fais de la très bonne télévision).
Outre le côté spectaculaire de la chose, l’autodestruction des cadavres est fort pratique pour un auteur. Ça élimine la délicate question des cadavres dont il faut se débarrasser. Un tueur de vampire pourrait se retrouver accusé de meurtre après avoir tué un vampire, si ce n’était de la coopération du cadavre — c’est d’ailleurs ce qui arrive à Van Helsing dans le «Nosferatu, fantôme de la nuit» de Werner Herzog.
Des différentes manières de détruire un vampire
Panoplie traditionnelle
À l’époque où les vampires sont devenus la mode, les populaces superstitieuses se tournaient encore vers la religion pour résoudre leurs problèmes. Les prêtres étaient heureux de les obliger. Si prier Dieu pour éloigner la peste ou le choléra était rigoureusement inefficace, le culte était d’une redoutable efficacité pour empêcher un mort de revenir hanter les vivants (ce qui est paradoxal pour une religion qui base sa foi sur la résurrection de la chair). On ouvrait alors le cercueil du malheureux accusé de vampirisme et, en présence du prêtre et des officiels, on arrosait d’eau bénite, on profanait le cadavre et on remerciait le ciel.
Les prêtres n’avaient pas le monopole de la destruction des vampires. Dans les cas du vampire d’Afumati, le corps du vampire fut déterré par le sorcier du village qui l’abandonna simplement dans un champ, afin qu’il soit dévoré par les loups. Le cas du vampire Amarasesti est intéressant aussi. La famille d’une morte soupçonnée de vampirisme déterrèrent le corps et le tranchèrent en deux avant de l’enfouir à nouveau. Constatant que les membres de la famille mourraient toujours, ils exhumèrent une nouvelle fois leur parente pour découvrir que les deux moitiés s’étaient ressoudées. Ils prirent alors un luxe de précautions, arrachant le cœur, le coupant en quatre parties, brûlèrent le cœur et le corps séparément puis dispersèrent les cendres du cœur. Méthode semblable dans le cas du vampire du château d’Annates, au douzième siècle, où il est spécifié que le corps du vampire ne pouvait brûler tant que le cœur restait en place.
Les rites utilisent souvent le feu. La crémation semble une manière définitive de venir à bout du vampire.
Le pieu est surtout une manière de clouer le mort dans son cercueil. Il ne tue pas, en général, mais permet de maintenir le vampire dans son tombeau, là où il devrait rester.
La méthode Buffy
C’est dans la littérature que le pieu prend du gallon, devenant une manière de détruire le vampire. On spécifie bientôt que le pieu doit être en bois, alors que dans la tradition, on a noté l’usage de pieux de fer ou encore un simple couteau de chasse. Tolsoï dans «La Famille du vourdalak» spécifie même une essence, le bois de peuplier (ce qui n’est pas idéal, puisque le peuplier a un bois relativement mou).
Buffy était connue pour causer un grand massacre à l’aide de tous les objets en bois qui lui tombaient sous la main. Dans True Blood aussi, le bois est très efficace. Les gentils fanatiques religieux dévoués à la destruction de tous les vampires construisent d’ailleurs des balles en bois pour leurs armes à feu, qui remportent un succès explosif.
Dans le jeu de rôle «Vampire: the Masquerade», le pieu paralyse simplement le vampire. Le jeu s’inspire d’instance au cinéma où, lorsqu’un pieu est retiré du cœur d’un vampire, celui-ci se réveille illico avec une soif de tous les diables.
L’argent ne fais pas le bonheur des vampires
L’argent a toujours été associé à la destruction des loups-garous, mais il finit par être associé également au vampires. Blade a ainsi tout un arsenal d’armes plaquées argent, qui réduisent les vampires en cendres au moindre contact. L’argent n’a même pas besoin d’être pur: il arrive que des amalgames d’argent ou encore du nitrate d’argent fonctionne. Est-ce pour cela que les appareils photographiques n’arrivent pas toujours à saisir les vampires?
L’argent est une sorte de kryptonite pour les vampires de True Blood, conformément aux livres de la série Sookie Stackhouse. Armé de chaînes d’argent, un mortel peut facilement capturer un vampire, généralement pour lui soutirer son sang, drogue très recherchée.
J’ai toujours eu un grand inconfort avec la faiblesse des vampires devant l’argent. Premièrement parce que je ne l’ai jamais vue dans la panoplie traditionnelle, ensuite parce qu’elle permet d’avoir accès à des armes en métal pour tuer facilement des vampires, ce qui les rend tout de suite beaucoup moins menaçants.
Le sang des morts
Ann Rice avait mis dans la bouche de son Lestat la recommandation de toujours cesser de boire le sang d’un mortel avant que son cœur ne cesse de battre, sous entendant que cela pourrait se révéler fatal au vampire. Si cette instance ne se produit jamais dans les romans, le sang d’un mort devient le moyen utilisé par Louis pour tenter de détruire Lestat — avec un beau succès initial. À ma connaissance, ce moyen original de tuer les vampires ne trouve d’écho que dans la série Supernatural, où la moindre introduction du sang d’un mort dans l’organisme d’un vampire suffit pour le détruire.
Le soleil brille pour tout le monde
Si le soleil ne tue pas toujours les vampires (et certainement pas dans la tradition), dans les cas où il le fait, il reste un méthode très efficace. Elle fut utilisée pour la première fois dans le Nosferatu de Murnau et reprise depuis de multiples fois.
Le soleil est parfois si efficace que la moindre source de rayonnement ultraviolet arrive au même résultat. La lampe uv fonctionne modérément bien dans le premier Blade, mais prend par la suite un efficacité assez difficile à admettre, avec par exemple des grenades uv qui pulvérisent tous les vampires à proximité. Le comble du ridicule appartient en cette matière à la série Underworld et ses balles uv.
Le feu, un sujet brûlant
Le feu reste la seule manière universelle de détruire un vampire. Edward, dans une série passablement complaisante envers nos amis à longs crocs, affirmait que la seule manière de le détruire serait de le découper en pièces et de le jeter dans une chaudière (un truc toujours sympa à dire à ta copine).
Les signes religieux
La religion a parfois un effet néfaste sur les vampires, mais elle peut aussi carrément les détruire. L’eau bénite sert de toutes les manières possibles, en bouteille ou en pistolet à eau, en passant par un bassin bénit d’un seul coup pendant que les vampires sont dedans, comme dans la comédie «Les Dents de la nuit»
Une épée bénie ou portant des reliques peut se révéler une arme redoutable contre les vampires, selon «Vampire: The Dark Ages». Dans «Capitaine Kronos chasseur de vampires», le héros forge une épée à partir d’une croix de fer. Ce film a d’ailleurs une méthode amusante de présenter la destruction des vampires: il en existe plusieurs sortes, avec des vulnérabilités différentes, ce qui pousse les héros à des expérimentations systématiques.
Les effets sur une histoire
Les manières par lesquelles on peut détruire un vampire ont une influence considérable sur une histoire.
On peut d’une part observer que lorsque les vampires sont les héros de l’histoire, ils sont remarquablement plus durs à cuire que lorsqu’ils sont les méchants. Essayez les shurikens d’argent sur Lestat, rien que pour voir. Ceci dit, des vampires trop difficiles à détruire peuvent rendre l’histoire passablement ennuyeuse (et je ne donnerai pas d’exemple). Des vampires trop mollassons de leur côté enlèvent tout mérite au héros. Au delà de cela, la vulnérabilité du vampire révèle des choses sur lui-même et parfois sur l’univers où l’histoire se déroule.
Par exemple, l’efficacité du pieu signifie que le cœur est le centre du pouvoir des vampires. Le soleil peut avoir une signification symbolique, parfois même religieuse — que les vampires de Meyer brillent au soleil n’est peut-être pas seulement de la kétainerie.
Une partie de la biologie des vampires est aussi révélée par les allergies diverses. Les vampires de type mutant ont tendance à venir avec leurs allergies au soleil, à l’argent, à l’ail ou au soleil. Les allergies sont un grand fourre-tout. On peut alors imaginer des être hybrides, moitié mortels moitié vampire, qui ne seraient pas affublés des mêmes allergies. Les auteurs ne s’en privent pas et, entre Bloodrayne et Blade, les mi-vampires abondent.
Les signes religieux entraînent tout un autre champ de réflexion, souvent malheureusement bâclé. Ainsi dans la série Buffy the Vampire Slayer, les signes religieux repoussent les vampires et l’eau bénite peut les tuer, mais l’univers est souvent décrit comme païen, avec des pléthores de dieux et d’univers parallèles.
Mes choix pour le Cycle des Bergers
Dans mon univers, j’ai pour ma part défini trois grands fléaux pour les vampires: le feu, le soleil et l’eau courante. Ce sont trois méthodes universelles, mais il est d’autres, auxquelles les vampires ne sont pas sujets de la même manière. Ainsi, la décapitation pourrait tuer un jeune vampire, alors qu’un ancien aurait le loisir de prendre sa tête et de la ressouder sur son corps. Les trois grands fléaux le sont pour des raisons mystiques. Enfin, si les signe religieux ont un effet sur les vampires, ils parviennent rarement à les détruire.
Commentaires