Le jugement des pairs
J’ai récemment consacré un billet sur la tentation de l’autoédition. J’y ai exposé mon humble opinion d’écrivain, servi par ma pauvre expérience (quatre nouvelles publiées, deux rejetées, un roman rejeté en révision).
Il reste que mes lecteurs sont, au moins pour la moitié, des auteurs qui semblent fortement loucher du côté de l’autoédition, à voir les mots clefs qui les amènent. Aussi je crois nécessaire de préciser un peu ma pensée.
Il y a beaucoup à dire sur le domaine de l’édition, et plus particulièrement sur l’autoédition. Certains auteurs — ils sont de plus en plus nombreux — le font afin d’augmenter leur marges; à mon humble avis cela ne peut bénéficier qu’à des auteurs extrêmement connus. Stephen King lui-même s’y est cassé les dents. D’autres le font afin de mieux contrôler leur livre, on simplement parce que leur projet n’a pas assez d’importance à leurs yeux pour justifier les démarches fastidieuses liées à l’édition. Toutes ces motivations sont légitimes. Malheureusement, il y a des auteurs qui lorgnent vers l’autoédition simplement par manquent de confiance en eux. Ils ont rêvé durant des années qu’un éditeur les publieraient, on leur a dit partout que les éditeurs ne publient aucun nouvel auteur, ils y ont cru, et ils sont maintenant prêt à renoncer à leur rêve sans même lui donner une chance. Voilà une motivation, la peur, que je considère regrettable.
Les écrivains ont raison de redouter le refus. L’impression d’un manuscrit coûte son prix et il n’est pas négligeable. De plus en plus de maisons acceptent les soumissions de versions numériques, mais c’est peut-être simplement parce qu’il est plus simple (et plus écolo) de les jeter. Il y a des tactiques à adopter face à cette situation. Bien choisir les maisons d’éditions visées, après avoir consulté la politique éditoriale et au besoin contacté directement l’éditeur pour demander s’il accepte les textes du genre que vous proposez. N’envoyer son manuscrit qu’à quelques maisons à la fois, en commençant par les plus attrayantes, mais restant prêt à persévérer. Renoncer avant de commencer n’est pas raisonnable.
L’éditeur tient-il toujours la clef d’or?
J’ai déjà dit qu’un texte gagnait à être révisé par un éditeur. Je ne crois pas que cette affirmation puisse être contestée de bonne foi. Mais si, par un caprice des Grâces, un auteur parvenait à pondre une prose parfaite, gagnerait-il à passer par une maison d’édition?
À part une saine relecture, une certaine promotion et la prise de la totalité des risques (ce qui n’est sans doute pas rien), l’éditeur appose son sceau à une œuvre. Il est le premier à dire : «voici un livre de qualité». Mais il déclare aussi :« j’ai foi en ce livre, j’y ai investi mes fonds sans la moindre garantie parce que je crois que les lecteurs voudront le lire».
Maintenant, imaginons qu’en tant qu’acheteur, vous deviez faire un choix entre deux livres. D’un côté, un tome dont personne ne vous a rien dit et dont personne n’a jamais voulu, ni éditeur ni libraire, et de l’autre un livre édité par une maison reconnue. Il va de soi que je choisirais le deuxième. Si le premier vous était recommandé par un ami, par un blogue ou par l’auteur lui-même, il est possible que le choix soit différent. Mais en l’absence d’autres facteurs, le poids de l’éditeur est déterminant.
Il y a des milliers et des milliers de titres qui se battent pour l’attention des lecteurs, et ils ne se battent pas à armes égales. Un auteur n’a aucune chance de succès si aucune voix ne s’élève pour défendre son livre. L’écrivain doit être défendu par des lecteurs influents, et le premier et le plus influent de ces lecteurs est toujours l’éditeur.
Cette réalité est moins absolue de nos jours, à cause d’Internet, qui donnent la possibilité à certains lecteurs de devenir des lecteurs influents. Les blogues littéraires ne sont pas rares, et bien des blogueurs publient des critiques. Amazon permet aux lecteurs de laisser des commentaires. Les réseaux sociaux sont une caisse de résonnance formidable qui peut considérablement aider un titre séduisant, même autoédité.
Il reste cependant, et c’est indéniable, que l’éditeur est la première voix à parler pour un livre. L’éditeur, même le plus pauvre, enverra son titre aux lecteurs influents et, fort de sa crédibilité, il a d’excellentes chances de l’amener à parler à son tour de ce livre.
Le livre numérique et l’impression à la demande ont rendu l’éditeur contournable, mais pas inutile. L’édition traditionnelle reste une option à considérer sérieusement, et il serait bête de la rejeter à cause de la peur du rejet, justement.
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