Les vampires peuvent-ils encore faire peur?
Tout le monde en a marre, semble-t-il. Des vampires amoureux, sentimentaux. Ou des vampires réticents, involontaires, qui charient sur des centaines de pages leur «malédiction» — qui n’en est plus une.
Les vampires n’ont plus de dents.
Neil Gaiman aurait supprimé un personnage de vampire pour cette raison.
Entre le héros torturé et l’éternel puceau, le vampire a perdu de son caractère monstrueux. Parallèlement, dans la bande dessinée essentiellement, le vampire est resté un monstre sanguinaire. Cette fois c’est simple divertissement, une catarsis.
L’art de la peur
Pour un auteur, effrayer le lecteur est presque aussi difficile que de le faire rire. Le lecteur de genre est généralement endurci. Stephen King, réputé un maître du genre, n’a réussi à me faire frémir que durant une demi-page ici et là au milieu de forêts de papier. Et comment rivaliser avec le cinéma, qui peut user des techniques chocs, des images et de la bande-son?
Généralement pas trop laid (et souvent même d’une beauté surhumaine), plutôt civilisé (quoi qu’un peu décadent) le vampire est certainement mal armé face aux troupeaux de monstre. Le roi incontesté de l’angoisse et des écrans est le tueur en série, qui a presque chassé l’horreur des terres du fantastique.
Que manque-t-il au vampire par rapport au tueur en série? Il est pourtant plus fort, doté de pouvoirs terrifiants. Il est pourtant battu sur tous les tableaux. À qui la faute?
Le ti-vampire chéri à sa maman
En un mot: aux auteurs.
Les auteurs sont tombés amoureux de leurs vampires. Leurs monstres sont devenus leurs poupons. Alors qu’ils n’hésitent pas à coller aux psychopathes les comportements les plus délirants, mélangeant parfois trois ou quatre problèmes mentaux en un seul, les morts-vivants dépendant du sang humain ne tuent pas et vivent une vie confortable en se nourissant qui de sang animal, qui de volontaires en parfaite santé. Si après cela ils avaient la décence de ne pas nous rabâcher leurs histoires de malédiction!
Du viagra pour les vampires
Qu’avaient donc en commun cette poignée d’histoires présentant des vampires inquiétants? Est-ce que les auteurs avaient une sorte de touche magique? Une pilule miracle qui rendrait leur vigueur à des vampires mous?
Pas du tout.
Le mécanisme de l’histoire est aussi simple qu’il est connu: le lecteur s’identifie aux personnages et ressent ce qu’ils ressentent. Donnez une raison à vos personnages d’avoir peur, et ils auront peur. Même s’ils sont attirés, fascinés ou séduits. Votre personnage principal est un vampire? Alors qu’il craigne les autres, ou sa propre nature.Lestat était effreyant dans Interview With the Vampire, parce qu’il était décrit de la perspective de Louis. Lestat décrit de son propre point de vue n’aurait pas effrayé une fillette, malgré tout son pouvoir et l’étendue de sa dépravation.
Commentaires
Je doute aussi que l'horreur soit disparu de la litérature vampirique. Simplement, des auteurs ont réalisé à quel point les vampires vendent mieux lorsqu'ils ont épris de belles et jeunes filles de campagne, et ces histoires-là vendant cent fois mieux, elles sont cent fois plus citées.
Le vampirisme, comme la lycanthropie, n'a jamais rien eu d'effrayant en soi. On s'en fout, de la nature du monstre. La folie qui peut lui faire perdre contrôle et tuer toute sa famille l'est. Que ce soit un psychopathe, un monstre surnaturel ou un homme brainwashé d'une dystopie futuriste n'a somme toute que peu d'importance.
Le vampire, en soi, est menaçant. Premièrement, il tue, deuxièmement il est difficile de l’arrêter. Pour y arriver, il faut connaître ses points faibles.
De nos jours, le vampire ne tue pas nécessairement, et c’est un premier soucis. Ensuite, toute la mythologie sur les manières de tuer un vampire est bien connue. Un auteur peut toujours en diverger, mais s’il diverge trop, ce n’est plus un vampire.
Le côté mystérieux et menaânt des vampires fait partie de l’expérience, même dans un livre à la Twilight. Les lecteurs de ce type de littérature sont seulement moins «endurcis» que les amateurs de littérature fantastique. Et je m’intéresse beaucoup à ces lecteurs avertis pour deux bonne raisons. De un, j’en suis un moi-même, et j’écris d’abord pour moi. De deux, ces lecteurs sont aussi les éditeurs potentiels. À moins de remplir une commande pour une romance à dents pointues avec vampires à étincelles, un roman vampirique doit passer par un comité de lecture qui en a vu passer un et un autre.
D’où ma réflexion sur la manière d’effrayer de nouveau avec ce brave vampire.