Le livre numérique va décoller l’an prochain
L’explosion du livre numérique est déjà bien réelle aux États-Unis, représentant environ 30 % des ventes actuelles de livres. Le chiffre total des vente double chaque année depuis environ trois ans. Et on n’a encore rien vu.
Cette explosion tarde à se concrétiser dans la francophonie. Les éditeurs y opposent un mélange irritant de résistance et de maladresse. La distribution est bancale, encombrée de DRM et beaucoup trop chère. Mais le livre numérique va exploser quand même.
Pourquoi le livre numérique va exploser
Le joueur le plus important du domaine du livre numérique est Amazon, avec son Kindle. Il est si dominant qu’il définit à lui seul le marché. Hors, Amazon a lancé aujourd’hui le Kindle Fire, une tablette qui lui servira à vendre son contenu numérique, y compris les livre, et qui sera vendue au prix très compétitif de 200 $ dès novembre prochain. Le modèle Kindle de base, avec encre électronique, va baisser à 70 $ pour le modèle avec publicité.
Bref, la tablette dominante du marché vient de connaître, à quelques mois des fêtes, une baisse drastique de prix, qui la ramène bien en-dessous du seuil psychologique des 100 $.
La conséquence en sera que le nombre de lecteurs dotés d’une liseuse va augmenter drastiquement dans les prochains mois. Avec elle va aussi monter la demande pour du contenu. Amazon a débuté l’implantation de son Kindle store en d’autres langues que l’anglais, donc les choses devraient s’accélérer.
Quelle devrait être la réaction des éditeurs?
Les éditeurs vont continuer à se battre pour conserver le modèle actuel aussi longtemps que possible. C’est un peu idiot, puisque les ventes de livres numériques sont tout profit pour eux, éliminant entre autres le coûteux problème des invendus.
Mais que devraient-ils faire? J’ai bien quelques idées.
Éliminer les intermédiaires
Un des obstacles auxquels se buttent les éditeurs est technologique. La conversion de leurs précieux livres papier en epub (compatible avec toute l’industrie sauf Amazon) ou mobi (format propriétaire d’Amazon) n’est pas automatique, et certains intermédiaires proposent d’assurer cette conversion en échange d’un pourcentage scandaleux des ventes, de l’ordre de 40%. Il existe des services de conversion automatiques, proposés entre autres par Smashword (Amazon offre aussi le sien), mais ils ne seraient pas à la hauteur.
C’est la raison pour laquelle certains éditeurs ne craignant pas le ridicule s’obstinent à ne proposer que le pdf, format hélas non adapté aux impératifs de la lecture sur papier électronique, c’est à dire souplesse de la mise en page et possibilité de modifier la taille des caractères. Ils prétexteront que la mise en page est un art — ce que je veux bien admettre, mais dans le cas du papier seulement. La vérité est que ce sont les fainéants qui veulent se contenter de balancer sur le web le fichier qu’il ont déjà monté pour l’imprimeur, sans davantage de travail.
La vraie solution est d’opérer la conversion à la main, pour un taux fixe, et non un pourcentage. N’importe quel intégrateur web peut monter un fichier epub ou mobi en quelques heures. Bien sûr, cela ajoute au coût fixe du livre, mais pour 40% de profit supplémentaire, il me semble que ça en vaut la peine.
Ouvrir de nouveaux marchés
Si la traduction était autrefois une affaire compliquée, impliquant de se trouver un éditeur ou au moins un distributeur à l’étranger, l’éditeur peut désormais proposer une traduction anglaise directement aux librairies virtuelles comme Amazon ou le iBookstore. Encore là, il y a un coût fixe qui s’ajoute, mais le marché est considérablement mieux développé. Une fois le fichier en ligne, la distribution s’opère sans plus de gestion de la par de l’éditeur, et sans le coûteux pourcentage du distributeur. Cela devient une rente. En y investissant régulièrement par de nouveaux titres année après année, un éditeur s’assure un revenu supplémentaire durable, qui lui permettra de traduire encore d’autre titres. Je ne crois pas que beaucoup d’auteurs diraient non.
Attendre et prier
Certains éditeurs prédisent des catastrophes qui justifient selon eux leur attentisme. Le papier va disparaître, les librairies vont fermer, la qualité va diminuer jusqu’à transformer toute la littérature en cloaque.
Mais s’ils ont raison, ils devraient d’autant plus travailler à proposer une offre crédible, c’est-à-dire abordable, technologiquement adaptée et sans DRM. Parce que de nouveaux éditeurs apparaissent sans cesse et certains parmi eux ont un réel potentiel et se chargeront d’occuper la nouvelle niche écologique. Et lorsque les librairies auront disparu, comme le clament les Cassandre, où les dinosaures vendront-ils leurs livres?
Ce sera le moment
L’attentisme peut encore se justifier en raison de la faiblesse relative du marché. Mais cette année, le 26 décembre, des milliers de francophones vont se retrouver avec un nouveau jouet entre les mains et chercheront des livres à acheter. Qui leur vendra? Ceux qui le désireront.
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