Vampire: du monde rural au mythe urbain
Le mythe du vampire remonte à des temps très reculés. Il incarnait, dans les croyances des Européens de l'est, une menace sérieuse. Les vampires pouvaient boire le lait des vaches et le tarrir, attacher les vaches entre elles par la queue et s'amusait à les exicter, ce qui faisait tourner leur lait.La peur de l'agriculteur n'est pas la même que celle du citadin. L'agriculteur vit dans une relative solitude, où les humains qu'il fréquente ont un visage connu. Ce sont très souvent des membres de sa famille. Durant les gros coups d'ouvrage, ils pouvaient collaborer, ou engager les fils du voisin. Le village était une unité presque autonome, une machine fonctionnant à merveille et dont chaque partie connaissait parfaitement son rôle. En revanche, l'homme urbain fréquente un milieu où l'humain est principalement un inconnu. Il ne sait rien de la vie des millions de gens qui l'entourent, ni leur travail, ni leurs rêves.Dans ce contexte, on comprend que la peur est différente pour le type rural (en particulier celui du moyen-âge) et pour le type urbain moderne. L'agriculteur ne craint pas son voisin. Il craint ce qui peut le blesser, l'atteindre. Il craint le mauvais temps, l'incendie de ses biens, la maladie de son bétail, la grêle, la mauvaise santé de ses enfants. Le travail physique et la présence d'une vaste nature indomptée, d'où surgit régulièrement les animaux nuisibles. le vampire, ennemi formidable mais relativement facile à vaincre, permets de cristaliser ces peurs et de dompter, en imagination, les éléments contre lesquels il ne peut rien. Un retard dans la corruption du corps et le caractère impressionnant de l'exorcisme forcent la fascination.Dracula raconte l'établissement du vampire du milieu rural au milieu urbain. Dans le cas du célèbre comte, cet établissement est plutôt raté. D'autres, comme le vampyre de Polidori, réussissent mieux leur intégration. Le récit de Poidori est proprement terrifiant à cause de la position délicate du narrateur, qui veut sauver sa soeur mais doit assister, impuissant, à sa corruption et à sa mort. Le vampire est devenu un corrupteur des moeurs, dans la pudique Angleterre victorienne. Le vampire a changé de visage. Il devient chez Anne Rice et Poppy Z Brite une sorte de décadent permanent et souvent violent. Lestat prend et donne la vie, agit en guide et en voyou, jusqu'à devenir absurdement puissant. Il ne cause aucune peur. Il est l'incarnation du fantasme, celui de la liberté, de l'indépendance, de la richesse, de la puissance et de l'éternelle jeunesse. C'est sans doute la raison pour laquelle il vieillit si mal.Le vampire moderne est devenu le personnage auquel les gens veulent s'identifier. Il n'a plus rien de monstrueux, et les écrivains complaisants l'ont débarrassé de la plupart de ses anciennes tares, devenues ridicules aux yeux des citadins modernes. Absurdes, ces recettes de grand-mères afin de protéger son troupeau et le sang de ses enfants. Le comte Dracula est mort, mais il ne faut plus, désormais, qu'on puisse l'avoir aussi facilement, avec des croix et des hosties. Le film de Coppola a achevé de faire de Dracula le vampire romantique par excellence, à tel point que son invention de l'amour immortel avec Mina Harker est déjà entrée dans l'imagination populaire.Il n'y a qu'à lire les nouvelles qui rampent un peu partout sur la toile, écritent par des adolescent plus ou moins attardés. Le même shéma repris mille fois: je suis minable, moins que rien. Je croise une personne du sexe opposé, c'est un super vampire. Il fait de moi son amant et nous régnons ensemble sur la n uit pour l'éternité.Lestat n'inspire aucune crainte. On ne craint pas son propre fantasme. Pour provoquer la peur, le vampire moderne doit se refuser, devenir une sorte d'élite à laquelle le lecteur voudrait avoir accès, sans en être nécessairement capable. On encore, est-il possible que la race des vampires devienne moins forte, moins tentante? Quelle catastrophe! C'est là-dessus que repose l'effet de «La Condamnée». La peur que les vampires romantiques (Clarimonde et Éduard), forts (Jugg et Rodrigue) ou troublés (Édouard encore, Michel) soient submergés par un type nouveau de vampires, les Inquisiteurs, oposés à tout ce qui rend les vampires si séduisants.
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Alex/Polaris