L’influence du vampire

>Depuis la fin du vingtième siècle avec ses Blades et ses Buffy, on a connu une forte poussée de l’apparition du vampire de type «goon», une quantité négligeable dont le pouvoir, essentiellement physique, se situe à mi-chemin entre celui des simples mortels et celui du héros.

Parallèlement, perdurait le personnage du vampire éclatant, puissant, séduisant et presque invincible incarné par Lestat et banalisé par Edward Cullen. Ce vampire là, aussi jeune et sentimental soit-il, est presque un dieu. S’il a décidé de mettre un mortel sur son menu, il faudra plus qu’une lycéenne pour l’en empêcher.

La principale différence entre le vampire «goon» et le modèle supérieur? Le goon n’est pas séduisant. Il est même souvent monstrueux.

Le pouvoir de séduction presque hypnotique du vampire opère pratiquement depuis le tout début. Lord Ruthven était diablement séduisant, et de son pouvoir de séduction venait tout son danger. N’étant pas immédiatement monstrueux, il est à l’abris de la chasse aux sorcière. Sa victime venait à lui de son plein gré, il n’était pas tenu aux conduites inciviles que Dracula devra adopter, avec violation de domicile et kidnaping.

Clarimonde Concetti, personnage titre de la Morte amoureuse de Théophile Gautier, est aussi séduisante au-delà du concevable, parvenant à insinuer son venin jusque dans le chaste cœur d’un jeune prêtre.

Au cinéma, le Dracula de Tod Browning est la première apparition, à ma connaissance, du pouvoir hypnotique du vampire. Il reste possible de lui échapper; lorsque Van Helsing y parviendra, Dracula le félicitera : «You have a very strong will!» (prononcer avec un fort accent hongrois). Reste que Van Helsing est une exception. Face au Dracula de Lugosi, un mortel ordinaire est perdu. Le vampire s’approchera de lui et sa victime, horrifiée, se laissera faire sans un geste de défense.

Les vampires et le jeu de la séduction

Dans le jeu de rôle Vampire: the Masquerade, ces pouvoirs se divisent en deux grandes discipline. L’influence sur les émotions est le domaine de présence, alors que l’influence mentale directe est le doamine de la domination. Avec ces deux disciplines, le jeu parvient à cerner admirablement les instances des pouvoirs d’influence des vampires dans la littérature comme au cinéma.

Le vampire fraîchement muni de sa présence inspire d’abord l’admiration de ceux qui posent les yeux sur lui. Vient ensuite l’intimidation: en présentant ses crocs et en émettant un feulement caractéristique, le vampire parvient à intimider sa proie ou son adversaire. Si cela fonctionne à merveille avec les scream queens, les spectateurs sont moins effrayés; les vampires de tout acabit ne s’en privent pourtant pas. Ensuite, le vampire peut exercer sa célèbre séduction, tel Lord Ruthven et Clarimonde. Le pouvoir suivant permet d’appeler à lui sa victime, même de très loin, comme on en voit des illustrations magnifiques dans The Hunger ou Night Watch. Le personnage de Alyssa Milano y succombera quelques fois, entre deux scènes de nudité, dans Embrace of the Vampire; ce genre de somnambulisme érotique n’est pas rare au cinéma. Enfin, le vampire peut démontrer une telle majesté que toute personne le voyant doit lui obéir et le traiter avec déférence.

Domination est la discipline des ordres directs. Un simple mot pour commencer, puis des ordres complexes. C’est le domaine du Dracula de Browning. Le troisième pouvoir, très pratique, permet au vampire d’effacer certains souvenirs de sa victime ou de les retoucher à sa guise; les vampires de True Blood emploient ce pouvoir sans arrêt. À l’étape suivante, le vampire peut, sur une période plus ou moins longue, opérer un conditionnement sur un mortel, le rendant particulièrement réceptif à son influence. C’est le cas classique de Renfield, clerc de notaire soumis à la volonté du comte Dracula, et qui peut même ressentir son influence à distance. Bien entendu, un tel conditionnement est très souvent fatal pour la santé mentale de sa victime. Si ça ne turlupine pas trop la conscience du maître, ça le laisse tout de même avec un serviteur souvent plus nuisible qu’autre chose. Le vampire a enfin la possibilité de posséder un mortel, passe-temps préféré de la reine des damnés de Ann Rice.

Séduction vampirique: mode d’emploi

À ma connaissance, jamais un auteur n’a tenté d’expliquer le fonctionnement des dangereux pouvoirs de séduction des vampires. Il vont de soi. Ils sont en général instinctifs. Dans True Blood, même la toute jeune Jessica est capable d’utiliser le «glamour» sans le moindre soucis.

Comme je n’aime pas beaucoup les descriptions froides et les «on va dire que…», je n’ai jamais su me contenter de cet a priori.En travaillant sur mes diverses histoires de vampire, j’ai développé des hypothèses que j’utilise dans mes descriptions, chaque fois qu’un vampire utilise ses pouvoirs sur un humain.

La beauté naturelle (ou surnaturelle)

L’un des postulats de départ de tout l’univers vampirique de Ann Rice est que tous les vampires sont beaux. Les vampires sont choisis afin de partager la vie éternelle, et il va de soi que seuls les plus beaux spécimens méritent un tel privilège.

On pourrait être tenté d’objecter qu’il y a des tonnes d’autres critères valables (comme le simple fait d’être assez psychopathe pour accepter de passer l’éternité à bouffer des humains vivants), mais on ajoutera à la défense de Rice que ses vampires sont assez susceptibles au pouvoir de la beauté. Ainsi, Lestat refusera toujours de détruire Armand, malgré les multiples tentatives de ce dernier d’attenter à sa non-vie ou celle de sa progéniture, tout ça parce qu’il est si booo! D’autres auteurs on appuyé à fond sur la beauté naturelle des vampires sans même chercher à l’expliquer, et je ne donnerai pas de nom.

Quoi qu’il en soit, les mortels que nous sommes sont influencés, jusqu’à un certain degré, par l’apparence physique; c’est un fait indéniable. Un vampire super trop canon part donc avec une certaine longueur d’avance, d’autant qu’il a une éternité pour pratiquer son maintient et sa posture.

La scène de séduction de La Morte amoureuse, particulièrement saisissante, peut entièrement être mise sur le compte de la beauté écrasante de Clarimonde Concetti.

L’aura de l’immortalité

En plus d’une hypothétique beauté, le vampire bénéficie aussi de la prestigieuse aura de l’immortalité. Dès qu’un mortel comprend, même subconsciement, ce qu’il a devant lui, on peut facilement lui prêter une sensation de vertige, sinon d’extase, semblable à celle que l’on éprouve devant la voûte céleste, un monument ancien ou la force infinie de la nature. L’immortalité vient certainement avec ses signes. Après quatre ou cinq siècles, un vampire peut certainement sembler étranger. Plus sage peut-être, ou plus étranger aux valeurs et à l’expérience humaine. Peut-être plus animal, plus monstrueux. Un mortel se retrouve alors face à un étranger, d’un type qu’il n’a jamais eu la chance d’appréhender, de voir à la télé ou d’imaginer. On peut imaginer que la puissance des suggestions d’un tel être serait considérable.

La fascination prédatrice

On a longtemps attribué aux serpents un pouvoir hypnotique sur leurs proies. Ce pouvoir est bien entendu simplement imaginaire, mais il faut admettre que, face à un prédateur, les proies ont souvent le réflexe de figer sur place. Qui n’a pas ressenti la paralysie glaciale de la peur?

Ce réflexe de paralysie peut très bien s’expliquer par notre évolution. Pour les bipèdes que nous sommes, la fuite est rarement une option devant un prédateur plus rapide. Si un de nos lointains ancêtres était surpris à l’écart de son groupe, la meilleure solution était sans doute de rester immobile et espérer passer inaperçu.

Notre premier réflexe face à toute agression est le recul. Un individu colérique provoquera presque toujours une réaction de crainte circonspecte, même devant des individus n’ayant en principes rien à craindre. Devant un inconnu défiant, nous détournons le regard, nous baissons les yeux. L’idée de se défendre ou de relever le défi ne vient qu’ensuite.

Le vampire est le prédateur ultime de l’être humain. Adapté à son milieu de vie, camouflé par la foule, assoiffé de sang. La défense est futile, la fuite impossible. Sa victime ne recevra de son instinct de proie qu’une commande: la plus abjecte soumission, avec l’espérance d’être épargné.

Un simple don

Les gens ont longtemps cru au «magétisme animal» qui fit la fortune de Mesmer et bien d’autres charlatans. Les références à ce sujet son courantes dans la littérature du 19ième, de Poe à Balzac. Van Helsing y fait référence dans Dracula L’idée qu’une sorte de pouvoir hypnotique arrive à faire entrer un sujet en transe sans son consentement et soumettre sa volonté était encore répandue récemment, malgré les démentis des hypnotiseurs de tout poil. Cette légende a été entretenue par la fiction à cause de la fascination qu’elle inspire et les possibilités qu’elle ouvre. Un peu comme l’idée tenace (et rigoureusement fausse) qui veut que les humains n’utilisent qu’une petite partie de leur cerveau, et qui sert aujourd’hui à vendre très chers des cours parfaitement inutiles. Si l’idée a perdu un peu de son mordant, elle reste utilisée, entre autres par True Blood, qui en explore les derniers retranchements. Jessica utilisera son glamour pour éviter une scène de ménage, Bill pour mettre fin à une liaison légèrement incestueuse avec son arrière-arrière-petite-fille. Dans les teasers précédent la saison trois, Jessica s’en servait pour humilier un pilier de bar dévot et mal poli; Bill, décidément populaire auprès des dames, repoussait une vendeuse un peut trop entreprenante. Utilisé sans modération, il peut se révéler envahissant; on se prend à se demander, devant l’intolérance à laquelle les vampires sont exposés dans la série, pourquoi ils ne convertissent pas leurs ennemis en masse, tant le glamour est puissant et simple à utiliser.

La technologie extraterrestre

Il n’est pas rare que les vampires se voient attribuer de nos jours des origines extraterrestres. Cela a certainement commencé avec les débuts du cinéma d’exploitation. Ce n’est pas l’explication la plus séduisante ni la plus courante, mais elle continue d’être exploitée de nos jours, tant au cinéma qu’en litérature. Dans ce cas, le pouvoir de domination étrange des vampires peut très bien être expliqué par un quelconque gadget alien, un pouvoir de type «force», un entraînement spécial comme la «voix» dans Dune ou encore une capacité kryptonienne peu connue. Très commode.

Dans le Cycle des Bergers

Je suis très prudent avec les pouvoirs de séduction et de domination dans mes propres écrits, pour les raisons mentionnées plus haut. Ces pouvoirs sont rares, concentrés chez les vampires très anciens dans certaines lignées seulement et nécessitent un travail considérable pour affecter un mortel à long terme. Je tend à souvent présenter leur effet du point de vue de la victime, expliquant exactement ce qui la fascine ou la pousse à la soumission.

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