Forces et faiblesses des vampires 2 — Sang et autre nourriture.

Ceci est le deuxième billet d’une série sur les forces et faiblesses des vampires de littérature, et des choix que j’ai faits pour mes romans.



Régime sanguin — strict, mixte ou végétarien?

La consommation de sang est l’aspect le plus intéressant — et le plus compliqué — de la littérature vampirique. D’abord, c’est un casse-tête, dont tout le monde ne sort pas indemne. Si le héros est un vampire, comment peut-il se nourrir de sang humain? Comment les vampires arrivent-ils à boire du sang humain sans se faire repérer? Le sang animal peut-il suffire? Et le sang des morts? Peut-on enmagasiner le sang? Peut-on survivre avec du sang synthétique?

Les végétariens ne mangent que des animaux

Depuis Vampire : The Mascarade, il est commun d’appeler les vampires qui se nourrissent uniquement de sang animal «végétariens». Le terme a été repris dans Twilight, ou les vampires ne boivent que du sang d’espèces menacées ou en voie de disparition, probablement pour marquer les américanité. Le sang animal est un moyen commode pour toutes les matantes de ce monde de préserver l’innocence de leur petit-vampire-chéri-qui-ne-fait-de-mal-à-personne. Le premier réflexe de Louis dans Interview With the Vampire est de boire du sang de rat, solutions peu viable qui lui vaut les railleries de Lestat. Dans Buffy, Angel survit uniquement de sang animal, et probablement Spike aussi, après que le gouvernement lui installe cette puce mystérieuse qui l’empêche de faire du mal aux humains.

Ailleurs, les vampires ne semblent pas évoquer la possibilité de se nourrir d’autre chose que de pur sang humain tiré de la veine. Il arrive même à Dracula de nécessiter du sang de vierge, ce qui est assez embêtant.

Le sang animal est un des trois moyens les plus utilisés pour balayer sous le tapis les besoins sanguins des protagonistes. J’ai toujours trouvé dommage de liquider ainsi la caractéristique la plus importante des vampires: leur soif de sang humain. Certains auteurs semblent avoir du mal à supporter que leur héros boivent du sang humain. Ann Rice a pourtant parfaitement réussi avec Lestat. Il est vrai qu’elle avait une fâcheuse tendance à gommer les faiblesses des vampires à mesure qu’ils devenaient plus puissants — et Lestat étant à peu près le plus puissant, il pouvait survivre des moi sans une goutte de sang.

En ce qui me concerne, j’adopte l’approche inverse. Les vampires peuvent boire du sang animal, mais celui-ci est trop pauvre pour leur permettre une nutrition complète. Il leur faut en boire beaucoup plus que de sang humain, et le résultat ne sera jamais le même. En vieillissant, les vampires développent un goût pour du sang toujours plus puissant, avec une préférence pour celui des très jeunes enfants ou, mieux encore, leurs propres congénères.

Donnez du sang, donnez la vie

Certains vampires ont recours au sang de donneurs volontaires pour se nourir. Si l’aspect malsain d’un tel échange n’est pas souligné, c’est la manière numéro deux de limer les dents de ses vampires.

On peut supposer qu’une personne deviendrai anémique à force de perdre du sang de manière régulière. Et qu’en est-il des cicatrices laissées par ces repas? On peut être tenté par des analogies au suicide ou à la consommation de drogues dures — personnellement, mes donneurs utilisaient des scarifications afin de dissimuler leurs coupures avec un alibi esthétique.

Sinon, les vampires peuvent aussi faire disparaître ces plaies. Dans VtM, ils le font grâce à leur salive. Dans True Blood, c’est avec une touche de leur propre sang, ce qui est assez bien trouvé.

Les banques de sang

Personnellement, c’est l’échapatoire que je déteste le plus. La banque de sang est irréaliste, dans un premier temps, puisque le sang n’y est jamais entreposé sous sa forme première, mais séparé. Ensuite, une administration complexe entoure leur gestion; un vampire aurait un mal fou à contrôler tous ceux qui y mettent le nez. Enfin, c’est un racourcit moral. En quoi est-il préférable pour un vampire de laisser des gens qui ont besoin de ce sang mourir plutôt que de le puiser directement à la source?

La question simple de l’ambiance pose aussi problème. Le vampire est gardé en vie par magie, non? Le sang réfrigéré garde-t-il ses propriétés magiques? Je préfère dire que non. Évidemement, si vous voulez tout réduire à un virus... En ce qui me concerne, je n’en ai jamais vu la nécessité.

Je dois dire que certains de mes vampires optent pour du sang concervé, cette fois à travers des pratiques alchimiques mystérieuses. Les vampires qui possèdent ce savoir le gardent jalousement, car il leur apporte un grand pouvoir. Une infime portion de ce sang provient de banques de sang: c’est le sang ombilical. Le vampire qui s’en procure est à la tête d’un vaste réseau d’universitaires, formé durant des années avec moult meurtres et coups de force.

Et les vampires psychiques?

Je n’ai pas encore vu beaucoup de cas de vampires qui se nourissent radicalement de simple force vitale. Pas de vampires à proprement parler, c’est-à-dire des personnages qui partagent les autres caractéristiques classiques des vampires (crainte du soleil, peau blanche, force surhumaine, sens développés, par exemple). Le vampire psychique est surtout une commodité pour les freaks qui veulent se faire passer pour des vampires mais pour qui la notion de boire du vrai sang est un peu rédibidoire. Ceux que l’on croise brièvement dans Lost Souls m’avaient assez effrayé, je dois l’admettre. Mais très peu pour moi; mes vampires resteront au strict régime sanguin.

Les vampires et la nourriture

Les vampires boivent du sang (en général), mais qu’en est-il des autres aliments? Le problème est rarement soulevé en littérature.

Le cinéma présente toujours des vampires qui boivent de l’alcool. Leur style de vie chic et nocturne ne semble pas pouvoir être conçu autrement. Dans Buffy, les vampires boivent sans arrêt, et Spike émet même une curieuse préférence pour les ailes de poulet du Bronx. Ailleurs, en revanche, les vampires émettent un dégoût appuyé pour toute nourriture autre que le sang. Témoin Jessica dans True Blood, qui refuse de cuisiner pour Hoyt simplement pour ne pas entrer en contact avec ces «choses mortes». HBO appuira sur ce fait dans le blog imaginaire de Jessica, ou elle affirme qu’elle ne supporterait pas que le micro-ondes qui réchauffe son True Blood serve aussi à chauffer des plats congelés.

Le jeu de rôle Vampire: The Mascarade, dont l’influence est assez affichée, les vampires ne peuvent tout simplement pas garder de nourriture dans leur estomac. Quand j’ai fait du grandeur nature, rien ne me cassait l’ambiance comme de voir mes confrères «vampires» grignoter ou boire des boissons gazeuses.

Et s’il faut référer à l’autorité suprême, pensons à Dracula, qui ne partage jamais les plats qu’il sert à Jonathan Harker. Bela Lugosi ajoutait même qu’il ne buvait jamais... de vin. La phrase était reprise dans Lost Souls, par des vampires qui, il est vrai, s’éclataient joyeusement à la chartreuse, et se moquaient d’un comparse qui ne supportait pas la moindre goutte d’alcool.

Je suis un grand partisan des vampires au régime strict de sang. Cela nuit bien sûr aux tentatives d’intégration à la société mortelle, mais tant mieux. Si les vampires ne peuvent pas se présenter à la cafétéria de leur école, ils devraient se rendre compte qu’ils n’ont aucune raison d’y foutre les pieds. Les vampires et les mortels devraient être différents, et radicalement séparés; sinon autant écrire directement des histoires de super-héros.

Comme je suis passablement porté sur la bouteille moi-même, je laisse (parfois, seulement parfois, et pour les vampires plus jeunes) les vampires mêler le sang et l’alcool. Si le liquide qu’ils boivent est avant-tout du sang, tout va bien.

Commentaires

Très intéressant tout ça. Bien qu'il s'agisse de Ta vision des choses à quelques endroits.

Et je continue à dire que le terme «végétarien» est mal employé. Pour une littéraire comme moi, entendre cela me donne des frissons dans le dos. Les créateurs de The Mascarade... auraient dû trouver un mot plus approprié ou au mieux l'inventer. «Végétarien», pour moi, renvoie nécessairement au végétal. C'est l'étymologie!! À la place, on pourrait dire « sang de seconde zone» par exemple.

Au sujet des banques de sang, je sais que ça peut paraître un peu bizarre cette histoire. Dans Blade, le mécanisme semble pourtant bien géré par des serviteurs mortels qui pourraient devenir vampire s'ils servent bien leur maître.

Ah oui! et en passant, «Annn» Rice ne s'écrit pas tout à fait ainsi. lol

C'est vrai que dans Buffy, les vampires « malsains» sont portés à boire, alors qu'ils n'ont pas besoin de le faire. Tandis que pour Spike, il parle de poulet, mais ça fait longtemps qu'il ne peut plus en manger. Il rappelle simplement un souvenir de sa condition mortelle, je crois.

ReAh oui! il faut que je te dise, pendant qu'on y est, que les Succubes/Incubes (j'avais lu ça dans un de tes précédents billets) n'ont rien avoir avec les vampires. Ce ne sont pas des morts ambulants, mais des esprits. Ils fonctionnent autrement que les morts-vivant, ils ont un autre rythme.

Et puis, les « vampires psychiques» ça existent dans la réalité. C'est un surnom, ce ne sont pas réellement des vampires. Ce sont des personnes qui, inconsciemment, aspire ton énergie - rappelant ainsi les activités de la créature. Une fois avoir quitté ce « vampire », tu as l'impression d'être épuisé alors que tu n'as rien fais. C'est psychique. Une forme de psychokinésie.

Note : il semble que tu t'appuies essentiellement sur des vampires filmiques. Mais tu sais qu'il en existe d'autres, en littérature et probablement aussi au théâtre. Le cinéma est souvent fait pour exagéré les aspect ou les rendre superflu tandis que dans la littérature, chaque élément a sa raison d'être et son explication. Tiens, tu devrais jeter un oeil à Je suis une légende de Matheson, tu y trouverais ton compte.
Excuse d'avoir écrit un si long commentaire, mais tu en dis long toi-même chaque fois que tu publies un billet. ;-)
Philippe Roy a dit…
Je comprends ton problème avec le mot «végétarien», mais je crois bien que des vamires pourraient utiliser de tels termes dans leur slang. De tels mots existent dans notre langue, comme «homophobe», qui étymologiquement exprimerait exactement le contraire de ce qu’il dit (crainte de ce qui est semblable). Ceci dit, je ne l’emploie pas dans mes romans.

Pour les banques de sang, tu donnes un exemple qui illustre mon propos: c’est compliqué que le diable. J’ai beaucoup de mal avec les infrastructures complexes d’humains serviteurs, parce que, à n’importe quel moment, un d’entre eux peut laisser échapper quelque chose, parler, craquer. Il y a des exceptions ou cela a un certain sens. Dans «Being Human» (la série Britannique, pas le minable remake), le vampire tape dans la banque de snag, mais il est infirmier. De plus (et surtout), ce régime ne sert pas à évacuer la question de sa consommation, puisqu’il continue à drainer des humains (il ne peut pas toujours s’en empêcher) et qu’il doit en supporter les conséquences.

Hum? Je crois pourtant glisser quelques références littéraires (Lost Souls, Interview with the Vampire, Dracula, Twilight). Je m’en tiens aux œuvres influentes (oui, hélas, Twilight aussi).

J’avais commencé à lire «Je suis une légende», mais je l’ai perdu dans l’autobus :(

Tu me pardonneras de ne pas croire (pas une seconde) aux «vampires psychiques» dans la réalité.

Spike exige un panier d’ailes de poulet dans Buffy, saison cinq, en échange de ses révélations sur la manière de tuer les Tueuses de vampires. Plus tard, après que le Bronx aie été détruit par un troll, on apprend que la cuisine n’a pas été reconstruite et Spike s’exclame «Pas d’ailes de poulet? C’était ma seule raison de venir ici». Ceci dit, je ne suis pas certain qu’on le voie en manger. Faut dire pour sa défense que Spike n’a rien du cliché «reluctant vampire» qui m’horripile tant.

Je vais corriger pour Ann Rice.
Philippe Roy a dit…
D’autre part (je vais diviser mes messages, c’est plus court), oui, je parle énormément de ma persperctive et de mes choix.

Je n’ai aucune qualité d’encyclopédiste, ni ambition de ce côté. J’ai lancé ce blogue d’écrivain pour parler de mon expérience et pour m’aider à explorer. Ces billets me forcent à réfléchir et à me situer sur tout ce qui fait d’un vampire un vampire.

D’autre part, mon blogue devenait fréquenté uniquement par des auteurs en mal d’édition qui viennent chercher des conseils. C’est très bien, c’était le but. Tout de même, je vais chercher à recentrer sur mon activité à moi et, pour le moment, je révise mon roman, qui est une histoire de vampires. J’ai quelques autres projets sur le feu, mais je n’en parlerai que quand ce sera officiel. Dans ce domaine, ça prend souvent du temps.

En passant, merci beaucoup pour ta participation constante et pour tes opinions.

Merci beaucoup en passant de tes commentaires, ils m’encouragent beaucoup à continuer.
De rien Philippe. Ça me fait plaisir de t'aider, si tu y trouves des particules d'aide... :-)

Il faut bien commencer par là, avec des commentaires sur ton blogue. Il semble, pour le moment, que personne d'autres s'évertue à la tâche. Mais un jour, il y en aura plus. On commençons ainsi, et puis, plus tard, on termine par ce retrouver dans une trentaine de commentaires pour un seul billet (Fort hein? Je l'ai remarqué chez quelques collègues blogueurs de longue haleine)

De ce fait, ton blogue ne manquerait-il pas de publicités? :-P


Pour tes citations littéraires, j'ai les voie tellement souvent en version filmique qu'il m'arrive de ne plus les voir en version papier. Et j'avoue ne pas connaître Lost Soul. Je pensais que c'était un autre film, également.

Pour les vampires psychiques, j'en ai connu et j'aurais préféré ne pas y avoir affaire. C'est une question de timing. Je ne te le souhaite pas.

Pour le Bronx, je pensais que tu parlais d'un quartier de New York. J'ai plus souvent regardé Buffy en français qu'en anglais (Le Bronze, en français), alors il y a eu une petite erreur de ma part. Oups! Je sais que Spike fait mention de ces ailes de poulets quelque part d'autre. Comme anecdote. Mais je ne me rappelle plus où.
Et puis, c'est normal que tu te perdes à ne plus trop savoir le sujet de ton blogue (ça m'arrive souvent), parce que tu te mets à écrire des billets sur des sujets qui te passionne, sans avoir un lien directe avec ton désir de devenir écrivain. Puis après, tu as envie de les partager.

Soit que tu scindes ton blogue en deux. Un pour ton désir d'écrivain. Un pour ce qui te passionne, hors-contexte. Soit que tu rajustes le tir à un seul sujet. Pas facile quand on est passionné. J'ai choisi de couper, pour ma part. Parce que je trouvais que mêler sorties culturelles/critiques littéraires et réalité personnelle étaient trop disparates pour se retrouver à la même place.

À la prochaine!!
Philippe Roy a dit…
Ouch! Par «Bronx», je voulais dire «Bronze», le bar de Sunnydale.

Pas encyclopédiste, tu vois.

Pour l’instant, pas besoin de créer un nouveau blogue, la série sur la mise en page est probablement terminée.

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