Mise en page et typographie d’un livre ― quelques conseils

Il y a quelques temps, j’ai publié un article orageux concernant la faiblesse de certaines mises en pages dans les ouvrages de fiction québécois, tout particulièrement chez les petites maisons d’édition. Il est vrai que, étant graphiste au moins autant qu’écrivain, j’ai une sensibilité particulière en ce qui concerne ce genre de fautes. Il y a cependant une chose dont je me suis rendu compte en écrivant cet article.

Lors de la publication d’un billet de blogue, un auteur cherche nécessairement quelques références sur Internet afin de les mettre en liens. C’est ce que j’ai tenté avec le billet cité, mais je me suis rapidement aperçu que les références à ce sujet sont rares. Les textes sur la typographie se contentent en général de donner quelques recommandations générales, le plus souvent pour la rédaction de travaux universitaires, à propos d’outils (les traitements de textes) impropres à la mise en pages professionnelle, et contiennent souvent des erreurs, étant le plus souvent le produit de directeurs de thèses plutôt que de véritables experts. Enfin, ce qui n’arrange rien, les résultats de recherche sont noyés dans les articles (souvent excellents) traitant de la typographie dans les sites web, que les nouvelles dispositions des CSS ont soudain mises en lumières.

Je me suis alors rappelé comment j’ai appris toutes ces règles que je reproche aux autres de ne pas respecter. Ce n’était pas au cégep, où les professeurs étaient trop occupés à nous montrer des raccourcis clavier qui deviendraient obsolètes avant même la remise de diplômes, ni au cours de mon cours privé. J’ai appris ce je sais en ayant des grammaires, des dictionnaires et des manuels de typographie comme livre de chevets, en me passionnant pour chaque caractère imprimé avec mes yeux tous neufs de professionnel de l’impression, et en recherchant, des années durant, tout nouveau savoir qui pourrait m’amener à perfectionner mon art. Bref, il y a bien peu de chances qu’une petite maison d’édition mette la main sur un graphiste maîtrisant les règles typographiques de bases assurant la mise en page correcte d’un livre, et encore moins qu’un lecteur à l’affut leur signale les coquilles ou leurs erreurs. Certaines maisons auront le bénéfice d’un finissant en graphisme qui travaillera bénévolement. D’autre confieront la mise en page à un tiers qui n’a même pas cette formation de base. D’autre enfin s’en chargeront eux-même. Et s’ils cherchent des sources sur Internet, il n’en trouveront pas, parce que les experts ne leur en fournissent pas, abandonnant cette tâche aux directeurs de thèse.

Aussi bien dire que j’ai un peu honte.

Ceci dit, je reste convaincu que beaucoup d’éditeurs se fichent complètement de la typographie. La qualité du français de certains textes est déjà problématique, sans parler du style. La langue devrait en toute logique passer avant la typographie, alors quel espoir garder dans ce cas? Simplement celui que ces maisons s’éteindront éventuellement, après avoir malheureusement lésé bien des lecteurs de bonne volonté.

Ce n’est pas une raison pour ne pas remédier à cet état de choses. Je me propose donc d’écrire une série d’articles sur la typographie correcte. Après les avoir lus, un graphiste devrait avoir toutes les connaissances nécessaires pour exécuter une mise en page correcte d’un ouvrage de fiction.

J’ai bien dit : «graphiste». Selon moi, la tâche de monter un livre dans les règles de l’art devrait revenir à un professionnel. Je sais que je prêche pour ma paroisse, mais j’ai mes raisons, et ce sont les mêmes qui font que les médecins dénoncent les charlatans et que les psychologues se méfient des gourous. Graphiste est un vrai métier et comme tout métier il est faux de prétendre que n’importe qui peut le faire avec un peu de formation et pas du tout d’expérience. Il n’en est pas moins vrai que tous les éditeurs n’ont pas les moyens d’engager un professionnel, même à la pige, surtout dans le cas d’un auteur autoédité.

Le premier article portera sur les outils indispensables pour exécuter une mise en page correcte. Je me pencherai par la suite sur les règles typographiques élémentaires, le choix d’une police de caractère appropriée, et enfin la génération d’un fichier conforme aux standards de l’imprimerie.

Le vocabulaire de la typographie
Article suivant : les outils de mise en page.
Normes de présentation des livres de fiction. Première partie: la justification
Normes de présentation des livres de fiction. Partie 2.
Normes de présentation des livres de fiction. Partie 3. La fine typographie
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Commentaires

Très intéressante série de billets! Ça nous sera très utile quand nous préparerons la mise en page du premier livre de La maison des viscères!
Philippe Roy a dit…
Merci beaucoup Frédéric. Si vous avez des questions plus spécifiques à ce moment-là, n'hésitez pas. Difficile de tout couvrir, même avec des posts aussi longs.

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