The Dark Knight : le triomphe du Joker

Voilà. Depuis les toutes dernières minutes de Batman Begins, je l'attendais. Je n'en suis pas sorti bouleversé. Reste que c'était du bon. Du très bon. Sans doute ce que l'on peut tirer de mieux d'un personnage de type Batman.

D'ailleurs, maintenant, on dit «le» Batman, comme on dit «l'Araignée». Logique. Merci à Christopher Nolan.

Certains font grand cas du duel d'acteur entre Heath Ledger et Christian Bale. Le combat n'était pas à armes égales. Premièrement, avec sa mort, Ledger avait une cote d'amour assez invraissamblable. Ensuite, tout le monde préfère le Joker à (au) Batman. Le premier est coloré, le second sombre. Joker est constamment vaincu, ostracisé, torturé, alors que Batman, quand il en a marre, peut tranquillement se réfugier chez Bruce Wayne et siroter de l'armagnac dans son palais de milliardaire. Mais revenons au film.

Que voulez-vous qu'un acteur tire d'un rôle où il doit, chaque fois que l'intensité dramatique est au rendez-vous, porter un masque qui lui cache les trois quarts du visage (dont les yeux au complet)? Heath Ledger, en contre-partie, avait le visage barbouillé d'un maquillage expressif, tragique en lui-même, qui le rendait méconnaissable et jouait déjà la moitié de son rôle.

On se dit aussi que le Joker de Heath Ledger est mieux que celui de Nicholson. C'est vrai, mais je préfère dire que le Joker de Christopher Nolan est meilleur que celui de Burton (qui a d'ailleurs commis le crime de le tuer à la fin). Nicholson, dans ce film, aurait glacé le sang des spectateurs avec cent fois plus d'intensité que dans the Shining. Burton a donné un Joker de bd. Nolan a créé le Joker du cinéma.

Est-ce à dire que j'ai trouvé Heath mauvais? Pas du tout. Il a été génial. Il va être dur à remplacer, tout comme il sera impossible de sortir, d'où que ce soit, un meilleur film de Batman. Après ce coup de boutoir, la franchise va inévitablement décliner, comme X-Men avant elle. Enfin, si Nolan reste aux commandes (ce qui m'étonnerait), elle ne descendra jamais aussi bas qu'elle l'a été.

Nolan a tout donné à son Joker. L'affiche, le bagou, l'effet de surprise. Ceux qui connaissaient la bd ont dû être surpris que Harvey Dent ne soit pas défiguré par un jet d'acide en plein tribunal, mais que ce soit le Joker qui le piège et le brûle. Les conditions abominablement dramatiques le poussent à la folie d'une manière bien plus crédible que dans la bd, mais ce n'est pas l'invention de Nolan. Cette mise en scène odieuse et sadique, cette démonstration du Joker qui prétend que n'importe qui peut céder à la folie, c'est Gordon qui la subissait dans «The Killing Joke». La santé mentale du commissaire y résistait, malgré sa douleur, et le Joker échouait donc. Ici, Dent s'effondre. En croisant les mythes, Nolan fait triompher Joker. Sa victoire est totale.

Que Batman de Nolan retienne le Joker au-dessus du vide est-il un pied de nez à celui de Burton, qui tirait lâchement son ennemi dans le dos pour le précipiter dans la chute? J'aime à le croire.

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