Congrès Boréal - avec un peu de retard

Il y a une semaine exactement, je me suis pointé au congrès Boréal, événement qui, depuis des années, rassemble les différents acteurs du fantastique et (surtout) de la science-fiction québécoise. J'étais au départ un peu timide. Après toutefois une certain temps et quelques efforts pour entamer la conversation, j'ai découvert un milieu accueillant ouvert, avec un visage souriant.

Première constatation: le milieu est tout petit, et même s'il comporte ses cliques et sa petite politique, il tend à se tenir. Je m'attendais un peu à voir des auteurs mal vieillis et jaloux de privilèges durement acquis, mais c'est plutôt le partage enthousiaste d'une passion commune qui animait tout le congrès. Les jeunes (comme moi, mais comme plusieurs autres) y étaient accueillis avec chaleur, le milieu semblant craindre le manque de sang neuf.

J'y ai retrouvé Natasha Beaulieu, toujours aussi gentille. Elle a été quelque peu assaillie par les fans, mais j'ai trouvé quelques minutes pour lui parler. Il y avait aussi Patrick Sénécal, un peu brouillon mais plein d'humour, et plusieurs représentants des éditions Alire. Une conversation anodine m'a d'ailleurs informé sur un point: Natasha Beaulieu leur a en effet parlé de moi. Il faudra bien que je trouve le moyen de la remercier.

J'ai rencontré Elisabeth Vonarburg, dont le guide «Comment écrire des histoires» avait passablement orienté ma vocation jadis. Je l'ai retrouvé il y a quelques années, et lui ai donné un coup de relecture, uniquement pour m'apercevoir que je le connaissait encore par cœur. Comme quoi une leçon bien donnée reste gravée au fond de l'âme. Je lui ai exprimé (en d'autres mots) ce commentaire, et elle a semblé sincèrement émue.

Une attention particulière avait été donnée aux jeunes, ce qui fait que les pannels étaient souvent animés par des types de vingt ans qui n'avaient, au total, pas grand chose à m'apprendre (et certains, comme Guillaume Voisine, avaient plutôt la grosse tête, mais bon, c'est de leur âge). C'est le petit bémol de ce weekend épuisant.

J'ai revu les copains des Six Brumes, et j'ai ai profité pour leur acheter à peu près tout ce que je n'avais pas encore pris d'eux. Une véritable direction littéraire leur manque encore, car leur idées intéressantes s'enfargent régulièrement dans les maladresses de style, mais Alegracia et le serpent d'argent semble plus prometteur à ce chapitre. «Le loup du sanatorium», récit cliché au style clinique, n'avait pas grand intérêt. Par contre, la plaquette sur Erzebeth Bathory, malgré le sujet assez convenu, est absolument magnifique, et méritera une entrée pour elle seule.

Cette rencontre au sommet a donc été positive, et a considérablement rechargé mes batteries d'énergie littéraire. Je vais profiter de ce long weekend des patriotes pour ajouter un chapitre ou deux à la suite de la Condamnée (dont je ne connais pas encore le titre).

Commentaires

L'idée de faire un panel avec des auteurs de la relève était peut-être théoriquement une bonne idée (c'est mignon, ça fait changement), mais effectivement, côté contenu, ça laissait à désirer; une chance que des auteurs d'expérience, comme Élisabeth Vonarburg et Claude Bolduc, étaient dans la salle! Cependant, compte tenu du fait que tous les panélistes étaient des "volontaires désignés", je crois qu'on s'en est tiré pas trop mal; évidemment, on ne peut pas assister à ce genre de panel en s'attendant à recevoir la révélation du siècle ;)
Philippe Roy a dit…
À ce propos, j'ai bien aimé la «prise de bec» entre toi et Elisabeth, sur les fins possibles d'une histoire ;) On dirait vraiment que vous vouliez tous les deux avoir le dernier mot :D
Cependant, entre les poncifs et les démonstrations d'érudition, aménager un peu d'espace pour la réflexion aurait sans doute été plus riche.
J'avais surtout l'impression que, dans les très grandes lignes, on disait la même chose, elle et moi (mais probablement que je m'exprimais pas très bien, comme d'habitude), et c'est surtout ce que je voulais souligner dans mes interventions peut-être un peu trop enthousiastes.

Je serais vraiment curieux de savoir ce que tu considères comme une démonstration d'érudition (ce qui me semble péjoratif, de la façon dont tu l'amènes, genre synonyme de vantardise). Citer (non, mentionner) Flaubert? Come on...

Pour les poncifs et l'absence (pas complète, mais quand même) d'espace de réflexion, je suis bien d'accord, mais comme tu le dis, c'est le lot de la jeunesse et du manque d'expérience ;)
Philippe Roy a dit…
En fait, c'était du côté d'Elisabeth, les démonstrations d'érudition ;) Au lieu de discuter de ce qui peut-être, ou d'ouvrir des possibilités (ce qu'elle peut très bien faire) elle donnait moult exemples de fins de tel ou tel type, citant une bonne demi-douzaine de romans et donnant systématiquement les punchs. Ta citation de Flaubert était très à propos, d'ailleurs (je ne crois pas que connaître la fin de Madame Bovary gâcherais ma lecture).
Ce que j'ai vu (et voulu dire par «grosse tête», mais c'était un emphase, déolé) c'était des jeunes enthousiastes qui communiquaient leur savoir avec ferveur. Hors, chez les jeunes, la ferveur est plus répandue que le savoir, justement. Cette ferveur est nécessaire et bénéfique, j'aurais aimé en avoir autant que toi, que Reynold ou tant d'autres.

D'ailleurs, le reproche (si on peut parler de reproche) ne s'adressait surtout pas à toi spécifiquement. Tu es un type véritablement brillant et plein d'aplomb (tu le prouve assez ici, d'ailleurs). Je parlais aussi de types que je considère comme des amis, Jonathan Reynolds et Guillaume Houle, qui ne se gènent pas pour asséner des vérités bien solides et enfoncer des portes grandes ouvertes. Vos certitudes sont normales. Leur spectacle ne m'a rien apporté, c'est tout.

J'aime bien entendre les vieux artistes, les «arrivés» ceux qui ont une oeuvre considérable et admirée, qui sert parfois depuis longtemps de base à une ou deux générations. Ils n'émettent aucune certitutde, on découvre que, même à leur âge et leur niveau, ils font encore des découvertes, des expériences et des erreurs. Ce qu'ils ont développé toutes ces années, ce n'est pas LA recette (que tous les jeunes pensent avoir, moi-même en mon temps), mais la conscience de ce qu'ils aiment retrouver dans leur art, ce qui définit leur style. En somme, ils ne diront pas «il faut» mais «je veux». Tout le reste, on peut le découvrir au détour de chaque ligne, de chaque trait, jusqu'au dernier.

Mais comme, avec leur enthousiasme flamboyant, les panélistes ont attisé des vocations (la mienne, en tous cas, car je travaille beaucoup et bien depuis), je ne saurais leur en tenir rigueur.

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